Les violences policières à l’encontre des mineurs placés sous tutelle administrative représentent une problématique juridique complexe, située à l’intersection du droit pénal, des droits de l’enfant et du droit administratif. Cette question soulève des enjeux fondamentaux quant à la protection des jeunes vulnérables face aux forces de l’ordre. L’actualité récente a mis en lumière plusieurs affaires médiatisées, interrogeant les limites de l’action policière et les garanties offertes aux mineurs privés de protection parentale. Ce sujet nécessite une analyse approfondie des dispositifs légaux existants, des recours possibles et des évolutions jurisprudentielles qui façonnent la réponse institutionnelle à ces situations préoccupantes.
Cadre juridique de la protection des mineurs sous tutelle administrative
Le mineur placé sous tutelle administrative bénéficie d’un statut juridique particulier qui lui confère une protection renforcée. Cette protection s’inscrit dans un cadre normatif dense, comprenant des dispositions nationales et internationales. Au niveau international, la Convention internationale des droits de l’enfant constitue le socle fondamental, particulièrement son article 19 qui impose aux États de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence.
En droit français, le Code civil organise la tutelle administrative dans ses articles 390 à 413, tandis que le Code de l’action sociale et des familles définit les modalités de prise en charge des mineurs par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Ces textes établissent clairement que l’État se substitue aux parents défaillants et doit assurer la protection physique et morale de ces enfants vulnérables.
La responsabilité particulière des forces de l’ordre à l’égard des mineurs sous tutelle est encadrée par plusieurs textes spécifiques :
- Le Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie, qui impose un devoir de protection accru envers les personnes vulnérables
- La circulaire du 22 février 2006 relative à la prise en charge des mineurs en garde à vue
- Les instructions ministérielles concernant les techniques d’intervention face aux mineurs
La jurisprudence du Conseil d’État a progressivement renforcé les obligations pesant sur l’administration, considérant qu’elle est tenue à une obligation de moyens renforcée, proche d’une obligation de résultat, concernant la sécurité des mineurs dont elle a la charge. L’arrêt du CE du 11 février 2005 (n°252169) constitue un précédent majeur en établissant que l’administration engage sa responsabilité dès lors qu’elle n’a pas mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour éviter qu’un mineur placé sous sa garde ne subisse des violences.
La Défenseure des droits joue un rôle prépondérant dans ce domaine, avec un pouvoir d’investigation spécifique concernant les allégations de violences policières impliquant des mineurs. Son rapport annuel de 2021 soulignait la nécessité d’une vigilance accrue et d’une formation spécifique des forces de l’ordre dans leurs interactions avec les mineurs institutionnalisés.
Ce cadre juridique, bien que complet en apparence, révèle des lacunes dans son application concrète, notamment en ce qui concerne les mécanismes de signalement adaptés aux mineurs sous tutelle administrative, qui se trouvent souvent dans une situation de dépendance vis-à-vis des institutions.
Qualification juridique des violences policières envers les mineurs protégés
La qualification juridique des violences commises par des agents de police sur des mineurs sous tutelle administrative présente des spécificités qui la distinguent des violences ordinaires. Le Code pénal prévoit une aggravation des sanctions lorsque les violences sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions. Cette circonstance aggravante est prévue aux articles 222-7 et suivants du Code pénal.
Lorsque la victime est un mineur, une seconde circonstance aggravante s’applique, conformément à l’article 222-10 du Code pénal. La peine encourue peut alors atteindre vingt ans de réclusion criminelle pour des violences ayant entraîné une infirmité permanente, et jusqu’à trente ans si ces violences ont causé la mort sans intention de la donner.
La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé les contours de cette qualification dans plusieurs arrêts significatifs. Dans un arrêt du 9 janvier 2013 (n°12-81.626), la chambre criminelle a considéré que l’usage de la force par un policier n’est légitime que s’il est « absolument nécessaire » et « proportionné » au but poursuivi. Cette exigence de proportionnalité est appréciée avec une rigueur particulière lorsque la personne visée est un mineur.
Distinction entre l’usage légitime de la force et les violences illégitimes
Le droit français reconnaît aux forces de l’ordre la possibilité de recourir à la force dans certaines circonstances strictement encadrées par l’article R.434-18 du Code de la sécurité intérieure. Toutefois, les tribunaux opèrent une distinction fondamentale entre :
- L’usage nécessaire et proportionné de la force, justifié par les circonstances
- Les violences illégitimes, caractérisées par leur caractère excessif ou injustifié
Cette distinction est particulièrement délicate dans le cas des mineurs sous tutelle administrative, qui peuvent présenter des comportements difficiles liés à leur parcours de vie. La Cour européenne des droits de l’homme a développé une jurisprudence exigeante sur ce point, notamment dans l’arrêt Bouyid c. Belgique du 28 septembre 2015, où elle a considéré que tout usage de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le comportement de la personne constitue une atteinte à la dignité humaine contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les tribunaux administratifs ont développé une approche spécifique concernant la responsabilité de l’administration dans ces situations. Ils considèrent que l’État a une double responsabilité : celle découlant directement des actes de ses agents (faute de service) et celle résultant de son devoir de protection envers le mineur placé sous sa tutelle. Cette double responsabilité a été clairement établie par le Tribunal administratif de Versailles dans un jugement du 12 mars 2018, qui a condamné l’État pour défaut de surveillance et de protection d’un mineur placé à l’ASE ayant subi des violences lors d’une interpellation.
Il faut souligner que la qualification juridique peut varier selon le contexte précis des faits, notamment si les violences surviennent dans le cadre d’une garde à vue, d’une interpellation ou lors d’un contrôle d’identité. Chaque situation appelle une analyse spécifique des obligations qui pesaient sur les forces de l’ordre et de la proportionnalité de leur réaction face au comportement du mineur.
Mécanismes de signalement et procédures de plainte adaptés aux mineurs
Face aux violences policières subies par un mineur sous tutelle administrative, plusieurs voies de signalement et de recours existent, mais leur accessibilité pour ces jeunes particulièrement vulnérables pose question. Le premier obstacle réside dans la capacité même du mineur à identifier les comportements abusifs et à connaître ses droits.
Le Code de procédure pénale prévoit que le mineur victime d’infractions peut porter plainte lui-même, sans représentation obligatoire. Néanmoins, dans la pratique, l’accompagnement par un adulte référent s’avère indispensable. Pour les mineurs sous tutelle administrative, cette figure de référence peut être :
- Le tuteur administratif désigné
- Un éducateur de l’établissement d’accueil
- Un administrateur ad hoc nommé spécifiquement pour représenter les intérêts du mineur
La désignation d’un administrateur ad hoc est particulièrement pertinente dans ce contexte, puisqu’elle permet d’éviter tout conflit d’intérêts lorsque l’administration, en tant que tutrice, pourrait être réticente à engager une procédure contre d’autres représentants de l’État. Cette nomination est prévue par l’article 706-50 du Code de procédure pénale et peut être demandée par le Procureur de la République ou le juge d’instruction.
Les voies de recours spécifiques
Plusieurs procédures adaptées aux mineurs ont été mises en place :
La saisine de la Défenseure des droits constitue une voie privilégiée et accessible. Cette autorité indépendante dispose d’un pôle dédié à la déontologie de la sécurité et d’un pôle défense des enfants, ce qui lui confère une double compétence particulièrement adaptée aux situations de violences policières sur mineurs. Sa saisine peut s’effectuer directement par le mineur, sans formalisme particulier, via un formulaire en ligne, par courrier ou dans l’une des permanences territoriales.
Le 119 – Allô Enfance en Danger représente également un canal de signalement accessible 24h/24. Les écoutants sont formés pour recueillir la parole des enfants et peuvent transmettre les informations préoccupantes aux autorités compétentes, notamment au Procureur de la République.
L’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) ou l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN) peuvent être saisies directement, mais cette démarche reste intimidante pour un mineur. Depuis 2019, une plateforme de signalement en ligne a été mise en place pour faciliter ces démarches.
Le dépôt de plainte classique auprès d’un service de police ou de gendarmerie reste possible, avec la difficulté évidente que représente pour un mineur le fait de se rendre dans un commissariat pour dénoncer des violences policières. Le Code de procédure pénale prévoit la possibilité d’être assisté par un avocat dès le dépôt de plainte, ce qui constitue une garantie fondamentale.
La plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction ou la citation directe devant le tribunal correctionnel sont des voies plus complexes mais parfois nécessaires en cas d’inaction du parquet. Ces procédures nécessitent impérativement l’assistance d’un avocat spécialisé.
Malgré ces dispositifs, de nombreux obstacles pratiques subsistent. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, dans ses observations finales concernant la France (2016), a exprimé sa préoccupation quant à l’effectivité des mécanismes de plainte pour les enfants placés en institution. Il a recommandé la mise en place de dispositifs de signalement confidentiels et adaptés aux enfants dans tous les établissements d’accueil.
Responsabilités institutionnelles et chaîne de protection défaillante
La survenance de violences policières sur un mineur sous tutelle administrative révèle souvent une série de défaillances dans la chaîne de protection institutionnelle. Cette situation engage la responsabilité de plusieurs acteurs publics, créant un enchevêtrement complexe de responsabilités administratives et pénales.
L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), en tant que service départemental chargé de la protection des mineurs placés sous tutelle administrative, porte une responsabilité première. Sa mission fondamentale consiste à garantir la sécurité et le bien-être des enfants qui lui sont confiés. Lorsqu’un mineur sous sa responsabilité subit des violences, qu’elles soient d’origine policière ou autre, la question de la vigilance de l’ASE et de ses agents se pose immédiatement.
Le Conseil départemental, autorité de tutelle de l’ASE, peut voir sa responsabilité administrative engagée sur le fondement de l’article L.221-1 du Code de l’action sociale et des familles. La jurisprudence administrative a progressivement durci les conditions d’engagement de cette responsabilité, considérant qu’il pèse sur le département une obligation de moyens renforcée. L’arrêt du Conseil d’État du 13 novembre 2009 (n°306517) a établi que le département doit mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques de maltraitance des mineurs confiés à ses services.
Responsabilité des autorités policières et hiérarchiques
La chaîne de commandement au sein des forces de l’ordre joue un rôle déterminant dans la prévention des violences policières. Plusieurs niveaux de responsabilité peuvent être identifiés :
- La responsabilité directe de l’agent auteur des violences (responsabilité pénale individuelle)
- La responsabilité du supérieur hiérarchique qui peut être poursuivi pour complicité s’il a donné des instructions illégales ou pour non-assistance à personne en danger s’il n’a pas fait cesser des violences dont il avait connaissance
- La responsabilité du Ministère de l’Intérieur, au titre de la faute de service, pour défaut d’organisation, de formation ou de contrôle
La Cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt du 14 juin 2016 (n°14MA01344), a reconnu la responsabilité de l’État pour des violences commises par des policiers sur un mineur placé en garde à vue, en considérant que ces actes, bien que fautifs, n’étaient pas détachables du service et engageaient donc la responsabilité de l’administration.
Le Procureur de la République exerce également une responsabilité significative dans le traitement judiciaire des allégations de violences policières. Sa politique pénale détermine largement l’effectivité des poursuites. Un rapport du Sénat publié en 2019 sur les violences institutionnelles pointait une tendance au classement sans suite des plaintes visant des fonctionnaires de police, créant un sentiment d’impunité préjudiciable à la confiance des citoyens, particulièrement des plus vulnérables.
La coordination entre ces différentes institutions constitue un enjeu majeur. Le Défenseur des droits, dans son rapport de 2018 sur les droits fondamentaux des mineurs, soulignait les défaillances dans la communication entre services sociaux, forces de l’ordre et autorité judiciaire, créant des zones d’ombre propices aux abus. Il recommandait la mise en place de protocoles interinstitutionnels pour améliorer le signalement et la prise en charge des situations à risque.
Ces responsabilités institutionnelles s’inscrivent dans un contexte plus large de protection des droits fondamentaux. La France a fait l’objet de plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour défaut d’enquête effective concernant des allégations de violences policières, notamment dans l’arrêt Boukrourou et autres c. France du 16 novembre 2017, qui pourrait faire jurisprudence pour des affaires impliquant des mineurs sous tutelle administrative.
Réparation juridique et reconstruction des victimes mineures
La réparation des préjudices subis par un mineur sous tutelle administrative victime de violences policières présente des particularités tant sur le plan juridique que psychologique. Cette réparation doit non seulement compenser les dommages subis mais aussi contribuer au processus de reconstruction d’un enfant déjà fragilisé par son parcours de vie.
Sur le plan juridictionnel, deux voies principales s’offrent aux victimes : la voie pénale et la voie administrative. Chacune présente des avantages et inconvénients qu’il convient d’analyser au regard de la situation spécifique du mineur.
La voie pénale, par la constitution de partie civile, permet d’obtenir la condamnation de l’auteur direct des violences, ce qui revêt une dimension symbolique forte pour la victime. Le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, selon la gravité des faits, peut allouer des dommages-intérêts en réparation des préjudices physiques, moraux et psychologiques subis. L’article 475-1 du Code de procédure pénale prévoit également le remboursement des frais d’avocat.
La voie administrative, devant le tribunal administratif, permet d’engager la responsabilité de l’État pour faute de service ou défaut dans l’organisation du service public. Cette procédure présente l’avantage d’une solvabilité garantie, mais elle peut sembler plus impersonnelle pour le mineur victime, l’auteur direct des faits n’étant pas directement mis en cause.
L’indemnisation intégrale des préjudices spécifiques
Le principe de réparation intégrale du préjudice s’applique avec une attention particulière lorsque la victime est un mineur. Les tribunaux prennent en compte des préjudices spécifiques liés à l’âge et à la vulnérabilité particulière de l’enfant placé :
- Le préjudice d’évolution, lié aux conséquences des violences sur le développement psychoaffectif de l’enfant
- Le préjudice d’abandon institutionnel, reconnu par certaines juridictions lorsque l’institution qui devait protéger l’enfant a failli à sa mission
- Le préjudice de trahison de la confiance légitime, particulièrement pertinent dans le cas de violences commises par des représentants de l’autorité publique
La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) constitue une voie complémentaire permettant d’obtenir une indemnisation rapide, même en l’absence de condamnation pénale de l’auteur des faits. Cette procédure, prévue aux articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale, est particulièrement adaptée aux situations d’urgence.
Au-delà de l’aspect financier, la réparation implique une dimension thérapeutique fondamentale. Les expertises médico-psychologiques ordonnées dans le cadre des procédures judiciaires doivent être réalisées par des professionnels formés à l’écoute des mineurs et aux spécificités des traumatismes institutionnels. Le Centre National de Ressources et de Résilience préconise une approche globale de la réparation, intégrant soins médico-psychologiques, accompagnement social et reconnaissance institutionnelle du statut de victime.
La question de la reconstruction identitaire est centrale pour ces mineurs qui ont subi une double trahison : celle de leur famille d’origine et celle de l’institution censée les protéger. Des dispositifs innovants ont été expérimentés dans certains départements, comme les groupes de parole pour mineurs victimes de violences institutionnelles, animés par des psychologues spécialisés en victimologie.
La justice restaurative, introduite dans le Code de procédure pénale par la loi du 15 août 2014, offre une perspective complémentaire. Elle propose un espace de dialogue entre la victime, l’auteur des faits et la société, permettant au mineur d’exprimer les conséquences des violences subies et de recevoir des explications, voire des excuses. Cette démarche, encore peu développée en France pour les violences policières, montre des résultats prometteurs dans d’autres pays comme le Canada.
Enfin, la dimension préventive de la réparation ne doit pas être négligée. La médiatisation mesurée de certaines affaires et les condamnations prononcées peuvent contribuer à une prise de conscience collective et à des réformes structurelles dans la formation des forces de l’ordre et l’encadrement de leurs interactions avec les mineurs vulnérables.
Vers une refonte des pratiques et de la formation policière
Les cas de violences policières envers des mineurs sous tutelle administrative appellent une transformation profonde des pratiques professionnelles et des dispositifs de formation au sein des forces de l’ordre. Cette évolution nécessaire s’articule autour de plusieurs axes complémentaires qui visent à prévenir les incidents tout en améliorant la prise en charge des jeunes vulnérables.
La formation initiale et continue des policiers et gendarmes constitue le premier levier de changement. Actuellement, le module consacré à l’approche spécifique des mineurs représente moins de 20 heures dans la formation initiale des gardiens de la paix, ce qui semble insuffisant au regard des enjeux. Plusieurs pistes d’amélioration ont été identifiées par les professionnels du secteur :
- L’intégration d’un module spécifique sur les mineurs institutionnalisés et leurs problématiques particulières
- Le développement de formations conjointes entre forces de l’ordre et travailleurs sociaux pour favoriser la compréhension mutuelle
- L’intervention de psychologues spécialisés dans le développement de l’enfant et les troubles du comportement associés aux traumatismes
Le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) a formulé en 2020 des recommandations visant à renforcer ces formations, préconisant notamment l’intervention systématique d’anciens enfants placés pour sensibiliser les futurs policiers aux réalités vécues par ces jeunes.
Protocoles d’intervention adaptés et désescalade
L’élaboration de protocoles d’intervention spécifiques pour les situations impliquant des mineurs sous tutelle administrative apparaît comme une nécessité. Ces protocoles devraient privilégier les techniques de désescalade et limiter le recours à la contrainte physique, particulièrement traumatisante pour des jeunes ayant souvent un passé marqué par des violences.
Plusieurs expérimentations menées dans des zones urbaines sensibles ont démontré l’efficacité d’approches alternatives :
La mise en place d’équipes mixtes associant policiers et éducateurs spécialisés pour les interventions dans les foyers de l’Aide Sociale à l’Enfance a permis de réduire significativement les incidents dans plusieurs départements pilotes.
Le recours à des médiateurs formés à la communication non-violente lors des situations de crise impliquant des mineurs institutionnalisés montre des résultats prometteurs, comme l’atteste l’expérimentation menée depuis 2018 dans le département de la Seine-Saint-Denis.
L’adoption de techniques inspirées du modèle scandinave de police de proximité, fondé sur une connaissance approfondie des publics vulnérables et une approche préventive plutôt que répressive, pourrait constituer une orientation stratégique pertinente.
La question des moyens matériels et des équipements adaptés se pose également. L’utilisation d’armes intermédiaires comme les tasers ou les lanceurs de balles de défense (LBD) sur des mineurs fait l’objet de controverses. Un rapport du Défenseur des droits publié en 2020 recommandait d’interdire formellement l’usage de ces armes sur des mineurs de moins de 15 ans et d’encadrer très strictement leur utilisation pour les 15-18 ans.
La traçabilité des interventions représente un enjeu majeur pour prévenir les abus et faciliter leur sanction lorsqu’ils surviennent. La généralisation des caméras-piétons, prévue par la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, constitue une avancée significative. Toutefois, des questions subsistent quant aux conditions d’activation de ces dispositifs et à l’accès aux enregistrements pour les mineurs victimes et leurs représentants.
Le développement d’indicateurs de suivi spécifiques aux interventions policières concernant les mineurs sous tutelle administrative permettrait d’objectiver les situations problématiques et d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre. Ces données, actuellement parcellaires, pourraient alimenter un observatoire national des pratiques policières envers les publics vulnérables, comme le suggérait un rapport parlementaire de 2021.
Ces transformations nécessaires s’inscrivent dans une réflexion plus large sur la place de la contrainte dans notre société et sur les modalités d’intervention auprès des publics fragiles. Elles impliquent un changement culturel profond au sein des institutions policières, fondé sur la reconnaissance de la vulnérabilité spécifique des mineurs placés et sur la priorité absolue accordée à leur protection.
